Faire la route… Et revenir plus riche

21 mai 2020
L'entrée du village de Lagnes. Vaucluse

Le chemin est réel et symbolique à la fois. Allégorie du mouvement pour faire la route, comme un besoin, comme une urgence, pour ne pas oublier les paysages, les visages et les mots de mes rencontres.

 

 

Il n’y a rien de glorieux ou d’exceptionnel ; comme beaucoup j’aime le dépassement physique et la transpiration qui peut en découler. Je cours trois fois par semaine. Peu ou prou. Sauf quand la grippe me prend ou que je me suis blessée. Sinon rien ne parvient à m’entraver. Ni la pluie, ni la canicule. Pas plus la neige ou le vent. Les sensations s’en trouvent un peu altérées, mais la satisfaction tirée se nourrit aussi de la difficulté dépassée.

Je ne me soustrais pas à ce rituel surtout à l’autre bout de la France ou du monde : j’essaye toujours de chausser mes baskets pour partir à la découverte des terres nouvelles. Rien ne m’est plus heureux que de découvrir une ville ou une portion de campagne à hauteur d’homme dans l’effort de mes pas. A vélo, en marchant ou en voiture l’on ne vivra jamais une révélation similaire à celle qui peut vous inonder à l’exercice de la course à pied.

« La fabrication de l’endorphine y est pour beaucoup »

disent les plus grincheux et les anti-sport de religion sans doute rassurés de ne voir dans cette pratique qu’une simple addiction.

Les glandes surrénales habituées à décharger apportent cette satisfaction tranquille dont on se plait à vendre les mérites. Mais les bulles de bonheur résident dans l’opportunité de s’extraire du monde et de ses tourments. Une sorte de parenthèse magique, mélange de « hors sol » et de propulseur qui accélère le recul prompt à trouver des solutions aux choses qui semblaient encore inextricables avant d’emprunter la tenue ad hoc. 

Boudha et son ombre, un symbole de la méditation vécue sur des kilomètres de footing
L’ombre de la statue de Boudha pour accompagner les kilomètres parcourus en forêt, en campagne, en bord de mer.

Ces pas successifs, ses séquences répétées, cadencées mènent à la méditation. Ils sont également emblématiques. Autant de ce que l’on trouve dans le mouvement codifié que dans la capacité à s’imprégner de son univers renouvelé. Ouvrir ses yeux, ses oreilles, son nez à tous les stimuli pour atténuer sa propre présence et se confondre dans le cosmos. Donner de soi, recevoir et s’enrichir dans les sons et l’harmonie de son environnement.

Du printemps à l'hiver. Les 4 saisons vues au même carrefour des Fontenelles, dans la forêt de Réno.
La Forêt de Réno-Orne. 4 saisons au carrefour des Fontenelles

Le chemin peut être symbolique ou réel. Intérieur ou dans le monde du dehors. Il se nourrit autant des chemins visités que des rencontres auxquelles il invite. Il est une allégorie du mouvement dont j’ai de plus en plus besoin à mesure que passent les années. Comme si la liturgie à laquelle j’ai sacrifié ces heures était un purgatoire. Comme si les kilomètres parcourus n’étaient qu’une préparation à en découvrir davantage. Comme si l’entrainement n’était qu’une étape, un diplôme sanctionnant des acquis qui ouvrent vers la permission à enfin sortir de la forêt. Et découvrir.

Des kilomètres qui en appellent d’autres

Pourtant ces kilomètres parcourus, longtemps satisfaisants comme éléments de méditation favorisant le voyage, aujourd’hui ne suffisent plus. Ces arpents, ces taillis une ou mille fois visités en appellent d’autres.

Jamais j’ai eu autant envie de prendre la route, m’éloigner du terrier, de son humus. Avancer. Libérée pour m’adresser à des gens que je ne connais pas. Et leur parler. Les interroger et les écouter comme on suit du doigt les contours de leur visage pour ne plus jamais oublier leurs traits. Entrer dans leur espace, leur intimité, la fertilité de leur engagement ou de leur foi de citoyen du monde.

Le sentiment d’urgence à l’épreuve du Covid19

Réaliser que cette mue est devenue un objectif, une urgence personnelle au moment même où se préparait la plus grave pandémie connue de mémoire d’humains vivants est cocasse. L’urgence connaîtra quelque retard donc. En attendant, admettre l’immobilité, le départ différé, est déjà un voyage sur le sentier de l’impatience.

Vallées du Perche.
Sortir, prendre la route.

Interpréter le signal n’est pas inutile parfois. Mais bloquer 4,5 milliards d’humains pour me faire accepter de reporter mes billets d’avion était peut-être un peu excessif. Je n’en demandais pas tant pour comprendre qu’il est nul besoin de passer les océans pour s’enrichir de l’autre. Je trouverai donc des sentes à explorer dans un rayon de 100 km d’abord et attendrai ensuite de savoir si je peux élargir mon horizon pendant l’été !

En attendant de savoir si deuxième vague de Covid 19 il y aura, et quand elle interviendra, je vais sillonner mon territoire, mon pays, et accepter de bonne grâce de participer à l’effort du patriotisme économique.

mots, images et posts

Ce blog, revu et corrigé par une graphiste faiseuse de sites, et d’un merveilleux logo, avec un titre repensé par celle qui avait déjà été à l’initiative du premier, est un hôte précieux. Il m’offre un accueil sans masque de mes découvertes, de mes rencontres, des kilomètres que je parcours, où qu’ils se trouvent. Avec Jill sur le logo, cette url « Chemins-Faisant » vous souhaite bienvenue.