On peut avoir 15 ans plusieurs fois

7 novembre 2012

Ce soir une amie m’a déclaré après avoir vu des photos que j’avais postées sur Facebook : « ce qui en émane montre combien vous êtes là à votre place ». Une phrase qui résonne encore quelques heures plus tard. Parce que je le ressens comme elle me l’a dit. Parce qu’il est si rare de se sentir pleinement à sa place. J’ai cette joie de le connaître ici et maintenant. Parce que je boucle. Avec l’impression de reprendre… Après un trou du temps.

On peut avoir 15 ans plusieurs fois dans sa vie. Je le savais. J’en suis un peu plus convaincue ; une conviction basée sur l’expérience. L’âge n’a pas que des inconvénients… Aujourd’hui j’ai 15 ans. A quelques mois près. Avec un sourire accroché dedans. Mieux, beaucoup mieux qu’avec des pilules roses ou bleues.
Je m’étais bien dit que j’y reviendrais après… Plus tard. Comme lorsque j’avais arrêté de fumer. Mais le temps passant, mon chemin s’écartait du cœur. Encore faut il se méfier des méandres de nos vies. Après 23 ans d’abstinence, 23 ans, durant lesquels je pensais pouvoir m’en passer, sur une proposition lancée un jour au détour d’une conversation, j’ai accepté d’y penser à nouveau. Accepté d’envisager y revenir tout d’abord, et accepté de me faire plaisir de nouveau ensuite. Quelques recherches sur le net, quelques échanges avec des amis plus tard, j’ai repiqué au truc. Comme une vieille addiction qui ne s’éteint jamais.

Il n’était pas question en revanche de recommencer dans les mêmes conditions, de repartir vers la même destination, avec le risque d’être obsédée par la volonté peu rationnelle de me mettre dans les traces laissées sur le chemin autant d’années auparavant. Pas questions de comparaisons. Pas non plus d’avoir à courir après une maîtrise ou des performances qui ne seraient plus en rapport avec les possibilités physiques d’aujourd’hui.

Alors j’ai décidé de m’inscrire dans une démarche nouvelle, plus ouverte à l’autre et à ses différences, moins obsédée par les scores, les codes classiques. Que je ne rejette pas pour autant. Qui m’ont tant aidée à me construire pendant 20 ans. Toute la richesse de cet apprentissage du dépassement de soi qui permet ensuite d’affronter tant de situations difficiles.

Mais aujourd’hui j’ai 15 ans. Réellement 15 ans. D’avantage encore qu’alors. Sans pour autant tomber dans les excès caractéristiques de l’adolescence. il ne faut pas exagérer non plus. L’âge ou les garçons et plus encore les filles construisent un monde parallèle, se projettent dans une relation basée sur l’affectif avec leur cheval du moment, les affublant de tous les diminutifs, les entourant de tout leur amour hystérisant … Déjà à l’époque, je me gardais des liaisons dangereuses et leur préférais les attaches et affinités ordinaires, dénuées de sentiments que l’on ne peut maîtriser. Les propriétaires me confiaient leur monture pour les travailler et les sortir en compétition le cas échéant, si leur capacités et qualités se révélaient en adéquation avec l’idée qu’ils s’en faisaient. Car il y a souvent loin du ballot de foin à la bouche sur ce sujet. Mais n’ayant pas de monture en propriété, un relâchement me semblait délicat, voire bien trop périlleux.

Quitter ce monde, tourner la page prend du temps. Comme pour le reste, je fus raisonnable. J’ai changé de vie. Une vie, si exigeante, qui prend tout le temps, qui pousse dans des petits ou grands tiroirs tout ce qui dépasse, qui n’est pas structurel à ce mouvement perpétuel. Je continuais de croiser de loin en loin des crinières et les odeurs de crottin. Ou au détour d’un layon en bordure de forêt, celle des robes mouillées tant par la pluie que par une sortie énergique. A chaque fois, le plaisir m’envahissait, les sensations me submergeaient.
23 ans après avoir quitté ce monde, j’y reviens. J’ai 15 ans. En mieux. A l’instar d’un amour après 40 ans. C’est plus délicieux, plus fort et plus raffiné à la fois. Tellement plus complet que la chevauchée quasi convulsive des 20 ans ! Et je suis bien décidée à profiter un maximum d’Early, le petit costaud de 5 ans, avec ses crins noirs et blancs et sa gentillesse de Paint.