Lettre aux cousins qui s’achètent une conduite

27 novembre 2012

Un jour de novembre j’avais posté un avis sur Facebook -« Statut » diraient les spécialistes- à propos de la fulgurance de notre Président de la République. Il avait -on ne sait trop pourquoi, sauf à estimer que la recherche à tout prix du consensus peut amener le Magistrat Suprême à inventer un principe de loi à densité et géométrie variables- …

Notre Président de la République, donc, eu une fulgurance dangereuse avec l’invention d’une clause de conscience pour les maires qui auraient des pudeurs face au texte de loi permettant le mariage de tous les citoyens sans distinction de sexe.
Deux ou trois personnes ont réagi rapidement dans les limites fixées autant par le réseau social que par la bienséance. Un cousin bien-pensant, et il en a le droit, m’avait signalé son désaccord voici quelques mois sur cette transformation dans un échange qui, malgré quelques lourdeurs, avait lui aussi été digne. Sans plus de conversations privées, depuis lors je suivais de loin ses publications, ses prises de positions et autres harangues dans le mouvement qui tendait à fédérer les « antis », notamment lors de la manifestation protégeant le code civil actuel (un comble, vous en conviendrez pour un descendant de royaliste). Ce matin là, un vendredi, son nom est apparu. Il maniait la saillie qui se voulait drôle : « En tous les cas, notre Président a perdu les pédales ».  Au delà du pronom possessif un peu intempestif pour un citoyen qui n’avait certainement pas voté pour ce candidat quelques mois plus tôt, il laissait mes copains médusés… Je ne l’avais pas deviné lourdaud, ou trop sûr de lui pour ne pas entendre ma réponse qui se voulait élégante et digne de notre éducation commune.  Il m’attaquait à son tour, car -c’est toujours les tactiques les plus glonflées qui sont tentées dans ces cas là- il me reprochait de ne pas être venue à son mariage quelques années plus tôt. Se faisant, il me forçait ainsi à être plus claire malgré toutes mes préventions pour les explications dénuées de pudeur devant témoins. Après tout, il s’était invité chez moi, au demeurant rien que de plus normal en famille- il avait cru bon de tenir des propos blessants et injurieux à l’égard de mes autres convives. Il oubliait les fondements de l’hospitalité et du savoir-vivre portés à la hauteur d’un art raffiné chez nous.

Alors j’ai décidé de lui répondre. Cédant à une démarche qui ne m’est pas usuelle : dire ce que je pense.

La parole, disait il, « qui ne perce pas pourrit ». Certes, mais il en est qui manque de décence. Ses paroles à lui qui se pensaient sans doute drôles, étaient injurieuses voire homophobes, et plus encore dans le contexte qui est le nôtre en ces temps troublés où les attaques redoublent contre les gens différents du modèle dominant. Il est des termes qui peuvent sonner comme des insultes aux oreilles amies… Hier comme aujourd’hui c’en est déjà trop pour moi. Plus encore dès lors qu’ils sont prononcés par ceux là même qui stigmatisent la façon de vivre d’une partie de la population. Mais aujourd’hui je le dis. Voire je l’écris. Comment pouvait il me parler de son mariage ici et maintenant. Ce stratégène était d’une telle indécence. Ainsi alors qu’il jouit de tous les droits, il décrète, lui et d’autres, qu’une partie des hommes et des femmes de ce pays ne peuvent bénéficier de ces mêmes droits, perpétuant ainsi une discrimination, une sous-humanité, à partir d’un modèle dominant qui apporte tous les jours la preuve de ses faiblesses.
J’ai dans mon entourage des femmes et des hommes qui ont des enfants. Ils et elles payent des impôts et participent à la richesse de ce pays, ont des rôles dans la société qu’ils et qu’elles contribuent à construire. Les enfants ne sont pas à venir. Ils sont là. Comme ceux qui vivent hors mariage hétéro d’ailleurs (55% des enfants en France soit dit en passant). Ce n’est donc pas une vue de l’esprit. C’est un fait. N’en déplaise aux grincheux, c’est ainsi. Leur amour et le soin porté à leur progéniture ne sont pas moindres. Je me garderai bien de porter un jugement sur leur couple, leur famille, comme sur tous les couples ou toutes les familles, d’hier et/ou d’aujourd‘hui. La vie m’a appris qu’il est judicieux de ne pas injurier l’avenir en ce domaine non plus.

Avec son intervention, mon cousin ressemble à tous ceux qui adoptent une cause pour s’acheter une conduite. Oubliant leur vie, leur parcours. Oubliant surtout leur histoire personnelle et celle de leur famille. De sang ou de cœur. Furieux l’homme au visage d’ange qui sur sa photo Facebook porte son enfant sur ses épaules comme l’on arbore une décoration, a sans doute été piqué. Piqué que je ne vienne pas à ses épousailles, et admiré la femme bien née qu’il venait de pécho, retrouvant ainsi le rang de notre noblesse perdue. Piqué que je lui renvoie son image. Il m’a enlevé de ses amis, comme on élague une branche morte. Je ne le regrette pas. Je ne déplore pas d’avoir porté ce que je crois. De ne pas avoir cédé devant la peur d’être blâmée, jetée. Je n’ai pas envie de vivre dans le même monde que lui. Ses renoncements sont grands. Il a cédé à des chants de sirènes.

Car oui l’adoption et la reconnaissance de la famille dans toutes ses composantes sont importantes à défendre avec des droits et des devoirs pour tous et chacun. Le code civil a déjà évolué ailleurs et le ciel n’est pas tombé sur la tête des habitants de ces contrées par ailleurs civilisées. Nous l’aurions su. Importantes pour que ces français soient comme les autres français et pour traduire le principe que nous avons été parmi les premiers à porter : « les hommes (et femmes) naissent libres et égaux en droits ».
Et ce faisant donner l’opportunité d’en user… ou pas.